Portrait/ Rachida Dati: Talent Haut
Il était une fois Rachida Dati. L'histoire d'une petite fille de la cité qui devient ministre de la Justice. Un vrai conte de fée à la Cendrillon...ou presque.
La belle Rachida.
L'envoûtante Rachida.
Tout lui sourit.
Rien de plus normal. Quand ses yeux se posent sur vous, mystérieux, magnétiques, intenses, on ne peut que sourire en retour. Et elle le sait. Et elle en joue. Du coup, son parcours est plutôt réussi. Un vrai conte de fée même quand on voit d'où elle vient. Son père: un maçon, d'origine marocaine, autoritaire et mélancolique. Sa mère: une algérienne respirant la joie de vivre, qui se consacre à ses enfants. Sans oublier la famille: nombreuse avec douze enfants. Et peu d'argent. Et une cité comme cadre de vie. Dans une petite ville de province, Chalon-sur-Saône. Un point sur l'Hexagone, quelconque, banal, perdu au nord de Lyon.
Mais Rachida ne s'en satisfait pas.
Sa vie est misérable; ses rêves grandioses.
Alors elle travaille. Un peu. Beaucoup. Passionnément. Car Rachida possède une volonté à toutes épreuves. Une force de caractère hors du commun, qui court à la rencontre de son destin. Ainsi, à force de courage et de culot, elle gravit l'échelle sociale. Sautant les barreaux quatre à quatre. Survolant les épreuves. Evitant les pièges. Jusqu'à l'apothéose aujourd'hui: à 43 ans, une place de Garde des Sceaux.
Belle histoire, joli conte, pourtant...pourtant...
« Je suis chef du parquet. Ca veut dire quoi? Je suis chef des procureurs, ils sont là pour appliquer la loi et une politique pénale ».
C'est Madame Dati qui s'exprime. Le 3 septembre 2007, sur Canal+. « Chef du parquet ». « Chef des procureurs ». Chef tout court. Le regard est noir, les gestes déterminés. Il est minuit passé d’une minute. Le « service com » ferme boutique. Derrière l'enseigne lumineuse, apparaît le carrosse de Madame Dati. Celui de son ascension sociale, celui de Châlon qui la mena à Paris. Un carrosse qui tient plus de la citrouille. Et l'on découvre le pot aux roses. Elle n'est pas Cendrillon. Mais la méchante belle mère. Avec tous les défauts qui vont avec: acariâtre, autoritaire, orgueilleuse.
Grossier jugement de valeur? Simple vue de l'esprit? Non, malheureusement. Les faits sont là. Toujours là. Encore là. Têtus comme on dit. Et ils parlent. Et ils racontent. Et ils tissent le fil d'une nouvelle histoire. Moins honorable.
Madame Dati, c'est ainsi 14 départs en 16 mois parmi ses collaborateurs. Et ces mêmes commentaires qui reviennent sans cesse, comme une sombre arlésienne: autoritaire, intransigeante, bornée, orgueilleuse, colérique. Beaucoup trop. Comme un bébé tyrannique accroché à son hochet. Comme une petite fille étourdie par le luxe et le pouvoir.
Les robes Chanel, les bijoux Cartier, les unes de Paris Match, les soirées chics.
Des goûts bling bling.
Un esprit bling bling.
Comme Sarkozy, son modèle.
Madame Dati, c'est aussi la colère des magistrats, celle des surveillants pénitentiaires. C'est simple, Madame Dati est une femme qui fait l'unanimité...contre elle. Tous les syndicats s'unissent et s'opposent d'une même voix. Chose assez rare. Et révélatrice de la dame. Derrière le sourire, il y a l'ombre. Une ombre qui jette un jour nouveau sur sa trajectoire flamboyante.
Retour à Châlon-sur -Saône, le 27 novembre 1965. Naissance de Rachida. Et déjà ses grands yeux sombres. Mystérieux. Magnétiques. Intenses. S'ensuit une enfance heureuse. La famille est pauvre mais aimante et soudée. Surtout, les parents croient en l'école. Ils y soutiennent fermement leurs enfants. Rachida réussit. Faculté d'économie, MBA (Master of Business Administration), école nationale de la magistrature. D'ailleurs, elle n'est pas la seule: une soeur comptable, un frère ingénieur.
Et la machine se met en route. Rachida écrit, envoie des lettres. A toutes les personnalités politiques les plus en vue. De gauche, de droite, de tous bords. Elle veut parvenir. Et arpente donc les soirées et autres cocktails mondains. Provoque des entretiens, force des rendez-vous : Simone Weil, Jacques Attali, Albin Chalandon…etc Au culot, comme ça. Ambitieuse, opportuniste, prête à tout.
Une scène parmi d'autres: sa tentative pour entrer au…PS. Et c’est Jean-François Probst, ex-RPR, qui le raconte dans son livre « Les dames du président ». Cela se passe en 1998. Rachida écrit à Pierre Moscovici, alors ministre du gouvernement Jospin.
Elle veut servir son pays, servir le PS, servir les gens qui souffrent. Mais Moscovici décline. Elle sera donc de droite. Sarkozyste, puis ministre à son tour.
Quelle réussite!
Chapeau bas l'artiste. Et talent haut!